Les objectifs d'ITER
La quantité d'énergie de fusion qu'un tokamak peut produire dépend du nombre de réactions de fusion qui se produisent en son cœur. Plus l'enceinte est grande (et donc également le volume de plasma) plus grand sera le potentiel de production d'énergie de fusion.
Avec un volume de plasma cinq fois supérieur à celui de la plus grande machine de fusion opérationnelle aujourd'hui, le tokamak ITER sera un outil expérimental unique, capable de générer des plasmas de longue durée. La machine a été spécifiquement conçue pour :
1) Produire des plasmas deutérium-tritium auto-entretenu par des réactions de fusion
La recherche sur la fusion se trouve aujourd'hui au seuil de l'exploration du plasma en combustion—un plasma au sein duquel la chaleur de la réaction de fusion demeure confinée de manière suffisamment efficace pour entretenir la température du milieu, réduisant ainsi le besoin de recourir à des systèmes de chauffage externes. ITER sera la seule installation de fusion au monde capable de produire un plasma en combustion, offrant ainsi aux scientifiques l'opportunité unique de faire avancer la science.
2) Générer 500 MW de puissance de fusion dans le plasma pendant 400 s
Le record de puissance de fusion produite par une machine à confinement magnétique est détenu par le tokamak européen JET. En 1997, ce tokamak a généré 16 MW de puissance de fusion pour une puissance de chauffage totale de 24 MW. Ce ratio (ou « Q ») de 0,67 devrait être porté à 10 par ITER—500 MW de puissance de fusion pour une puissance en entrée de 50 MW pendant des périodes de 400 à 600 s, la première machine (confinement magnétique) capable de produire une telle amplification de la puissance dans le plasma. ITER étant une machine expérimentale qui ne fonctionnera pas de manière continue, l'énergie produite ne sera pas convertie en électricité. Cette étape sera réalisée par la machine qui lui succédera.
Bien sûr, il est important de se souvenir qu'ITER est une expérience scientifique et non pas une centrale électrique. L'équilibre énergétique qui intéresse les scientifiques, c'est celui du processus de fusion lui-même — quel rendement dans le plasma entre puissance de chauffage injectée et puissance de fusion? Les redondances inclues dans la conception de cette machine expérimentale (nombre de systèmes de diagnostics par exemple) sont par nature « inefficaces ». Une centrale commerciale sera conçue différemment, avec un autre équilibre entre le rendement global de la machine et la consomption électrique de toute l'installation.
3) Contribuer à démontrer le fonctionnement intégré des technologies d'une centrale de fusion électrogène
ITER marque la transition entre les dispositifs de fusion expérimentaux actuels et les démonstrateurs industriels du futur. Avec cette machine de très grande taille, les scientifiques pourront étudier les plasmas dans les conditions qui seront celles d'une centrale de fusion électrogène et tester des technologies telles que le chauffage, le contrôle, le diagnostic, la cryogénie et la télémaintenance.
4) Expérimenter la production de tritium
Dans une phase d'exploitation ultérieure, l'une des missions d'ITER consistera à démontrer la faisabilité de la production de tritium à partir de lithium (Li-6) au sein même de l'enceinte à vide. L'inventaire mondial de tritium (utilisé avec le deutérium pour alimenter la réaction de fusion) n'est en aucun cas suffisant pour couvrir les besoins des futures centrales de fusion électrogènes. ITER offrira l'opportunité unique de tester des maquettes de couvertures « tritigènes » dans l'environnement d'un réacteur de fusion.
5) Démontrer la sûreté d'un dispositif de fusion
Une étape importante dans l'histoire de la fusion a été franchie en 2012 quand ITER Organization, après un examen rigoureux de ses dossiers de sûreté, a obtenu l'autorisation de création de l'installation nucléaire ITER et en est devenu l'opérateur nucléaire. L'un des principaux objectifs d'ITER est de démontrer que les réactions de fusion qui se produisent au sein du plasma sont sans impact sur les populations et l'environnement.
Les différentes phases d'ITER
Les membres d'ITER fournissent les éléments de la machine et les systèmes industriels nécessaires à la réalisation du programme de recherche. Une fois acheminés jusqu’au site de Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône), ITER Organization assure leur assemblage et leur intégration. Au terme d’une phase de tests qui permettra de vérifier que tous les systèmes fonctionnent de manière coordonnée, la machine entrera en exploitation. Le programme scientifique sera réalisé en plusieurs étapes qui conduiront au fonctionnement à pleine puissance.
Au mois de juin 2024, ITER Organization et les sept Agences domestiques ont soumis à l’examen du Conseil d’ITER une feuille de route actualisée qui définit les jalons scientifiques et technologiques de la phase opérationnelle. Elle prévoit une phase opérationnelle initiale (Start of Research Operation, SRO, ou Démarrage de la phase d'expérimentation) pour laquelle la machine ITER sera équipée d'un divertor, de modules de couverture ainsi que d'autres éléments et systèmes essentiels, une configuration qui permettra de produire des plasmas d'hydrogène et de deutérium-deutérium et d'aller vers des décharges de longue durée sous une intensité du champ magnétique et avec un courant plasma maximaux. La phase SRO sera suivie d'une phase deutérium/tritium 1 (DT-1), qui sera dédiée à l'exploration des plasmas de deutérium et de deutérium-tritium en mode H avec des niveaux de courant plasma allant jusqu'aux maxima d'ITER (15 MA) ; et une phase deutérium/tritium 2 (DT-2), pendant lequel ITER se trouvera dans sa configuration finale et pourra étudier divers scénarios de physique et évaluer les choix technologiques pour les futurs réacteurs de fusion électrogènes. (Voir plus de détails dans cet article ou cet article.)