Systèmes de chauffage externe
L'un des puissants injecteurs de neutres qui fera pénétrer des particules de haute énergie dans le plasma.
Pour créer les conditions propices aux réactions de fusion, le plasma doit être porté et maintenu à une température de l'ordre de 150 millions de degrés, soit dix fois celle qui règne au cœur du Soleil.
Pour y parvenir, la première étape consiste à faire varier le champ magnétique au sein de la chambre à vide de manière à induire un courant électrique de forte intensité dans le plasma. La circulation de ce courant excite les électrons et les ions qui entrent en collision. Ces collisions créent une « résistance » qui augmente la température du plasma, ce qui a pour effet paradoxal de réduire la résistance et, par voie de conséquence, l'effet de chauffage qu'elle génère. Le « chauffage ohmique » ne peut porter le plasma à plus de 10 - 15 millions de degrés. Pour obtenir des températures plus élevées et atteindre le seuil duquel les réactions de fusion peuvent se produire, il faut utiliser d'autres méthodes de chauffage depuis l'extérieur du tokamak.
Le tokamak ITER associera trois techniques de chauffage externe pour porter le plasma à la température propice aux réactions de fusion. À la suite de la révision en 2024 de la feuille de route du programme ITER et les nouvelles propositions pour les phases de construction et d'exploitation, les apports en puissance attendus (notamment pour la technique de chauffage à résonance cyclotronique électronique, qui doit être augmentée de manière significative) se trouvent modifiés par rapport aux projets initiaux (voir ci-dessous).
Injection de neutres
Deux puissants injecteurs de particules neutres apporteront chacun 16,5 MW de puissance de chauffage au plasma. (Un troisième injecteur pourra être ajouté si nécessaire). Un injecteur de neutres de moindre puissance sera installé à des fins de diagnostic.
L'injection de neutres consiste à faire pénétrer des particules de haute énergie dans le plasma. Dans l’injecteur, des particules électriquement chargées (ions) sont accélérées à un haut niveau d’énergie (1 MeV). Ces ions accélérés traversent ensuite un « neutralisateur de faisceaux d'ions » qui les débarrasse de leur charge électrique. Parce qu’elles sont désormais électriquement neutres, les particules sont insensibles aux champs magnétiques et peuvent dès lors pénétrer à très grande vitesse au cœur même du plasma où elles vont entrer en collision avec les particules déjà présentes, leur transférer leur énergie et porter ainsi la température à des niveaux plus proches de celui que requièrent les réactions de fusion.
Cette méthode d'injection, utilisée dans de nombreux tokamaks, devra être adaptée aux nouveaux paramètres déterminés par le volume du plasma d'ITER. Ainsi, pour pénétrer de manière suffisamment profonde au sein du plasma, les particules devront se déplacer trois à quatre fois plus rapidement que dans les machines de fusion existantes. À de telles vitesses, toutefois, les ions chargés positivement deviennent difficiles à neutraliser. Pour contourner cette difficulté, les physiciens et ingénieurs du programme ITER ont choisi pour la toute première fois de mettre en œuvre une source d'ions négatifs. S'ils sont plus faciles à neutraliser que les ions positifs, les ions négatifs sont plus difficiles à produire et à manipuler. En effet, l'électron supplémentaire qui confère aux ions leur charge négative est faiblement lié au noyau, si bien qu'il se peut en être détaché facilement.
Un programme expérimental en vraie grandeur est en cours à Padoue, en Italie, au Centre d’essais NBTF. Ce programme permettra aux scientifiques d'étudier certaines questions liées à la physique et à la technologie mise en œuvre et de valider les concepts avant d'installer le système d'injection de neutres sur la machine ITER. (Pour en savoir plus, visiter la page Centre d'essais NBTF.)
Ondes électromagnétiques à haute fréquence
Deux autres systèmes de chauffage auxiliaire, indispensables pour atteindre les conditions requises par la fusion, communiquent de l'énergie au plasma par un effet de résonance avec les fréquences de certaines « populations » de particules (ions ou électrons). La résonance accroît mouvement chaotique des particules et, de ce fait, leur énergie et la température du milieu.
La technique de chauffage par résonance cyclotronique électronique (ECRH) élève la température du plasma par le biais d'un faisceau de rayonnement électromagnétique de haute intensité (170 GHz) qui correspond à la fréquence de résonance des électrons. Ces électrons entrent ensuite en collision avec les ions et leur transfèrent l'énergie absorbée. Le système ECRH apportera 40 MW de puissance de chauffage au plasma lors de la première phase opérationnelle (Start of Research Operation, ou Début de la phase des expériences) et jusqu'à 67 MW dans les phases ultérieures. ECRH jouera également un rôle dans le déclenchement des « chocs » de plasma. En déposant de la puissance en des points très précis, il contribuera également à la suppression de certains types d’instabilités susceptibles de refroidir le plasma. Les ondes électromagnétiques sont générées par de puissants gyrotrons d’une puissance de 1 MW, pouvant produire des décharges d'une durée supérieure à 500 secondes. Pour atteindre les 67 MW prévus pendant les phases deutérium-tritium, il faudrait 80 gyrotrons, connectés par des lignes de transmission aux antennes situées en périphérie du plasma. Alternativement, les équipes pourront investiguer la possibilité de générateurs d'ondes électromagnétiques d'une puissance supérieure à 1 MW.
Dans le chauffage par résonance cyclotronique ionique (ICRH), l'énergie est transférée aux ions du plasma par des ondes électromagnétiques de haute intensité d'une fréquence de 40 à 55 MHz. Des sources transforment une tension électrique continue en puissance radiofréquence, laquelle est transportée par des lignes de transmission jusqu’à deux antennes qui couplent la puissance radiofréquence au plasma. Le système ICRH apportera 20 MW de puissance de chauffage (10 MW lors de la phase d'opération initiale et 10MW supplémentaires dans les phase ultérieures).
Plasma en combustion
Les effets du chauffage ohmique, de l'injection de particules neutres et des ondes à haute fréquence se cumuleront dans le tokamak ITER pour porter le plasma à la température à laquelle les réactions de fusion deviennent possibles. À terme, les chercheurs espèrent obtenir un « plasma en combustion », dans lequel l'énergie des noyaux d'hélium produits par les réactions de fusion suffira à entretenir la réaction. Il deviendra alors possible de minimiser le recours aux méthodes de chauffage externes. L'obtention d'un plasma en combustion générant de lui-même au moins 50 % de l'énergie nécessaire à l’entretien des réactions de fusion est une étape déterminante sur la voie de la production d'énergie de fusion. ITER sera la seule installation de fusion au monde capable de produire un plasma en combustion, offrant ainsi aux scientifiques l'opportunité unique d’explorer un état de la matière encore méconnu.