ITER au millimètre près
Depuis l’an dernier, tous les collaborateurs d’ITER ont accès à un modèle 3D intégré qui leur permet de visualiser le site au millimètre près, de la vue d’ensemble la plus large au plus infime détail des éléments de la machine ou de l’installation.
Cette nouvelle solution a été développée par le « Design Office » d’ITER en collaboration avec le service informatique. Chaque semaine, près de 20 téraoctets de données regroupées dans plus de 100 000 fichiers sont extraites des différents outils de CAO et converties vers un format commun par un puissant serveur. Le modèle intégré ainsi obtenu, qui ne pèse que quelques gigaoctets, peut être téléchargé sur un ordinateur de bureau ou une station de travail standard pour être visualisé à l’aide de Navisworks 3D Viewer, un logiciel utilisé dans de nombreux grands projets.
Si ce modèle intégré est extrêmement léger, c’est notamment parce qu’il est conçu pour être visualisé, et non modifié. Mais, comme l’explique Mickael Chabre, ingénieur infrastructure au bureau d’études, le modèle peut aussi être enrichi avec les propriétés techniques des éléments. « Par exemple, il est possible de rechercher une vanne spécifique et de la visualiser dans son environnement, dit-il. Grâce à la connexion entre Navisworks et la base de données techniques, l’utilisateur peut consulter les propriétés de cette vanne, c’est-à-dire ses dimensions nominales, sa classe de sûreté, etc. »
Avant juin 2024, il était possible de visualiser un modèle de conception dans son environnement grâce à un logiciel appelé 3DLive. « Mais cela exigeait une bonne maîtrise de la CAO et l’utilisateur ne pouvait pas se connecter à une base de données techniques externe pour enrichir le modèle », dit Jean-Daniel Delaplagne, qui est responsable du groupe de support des outils de CAO pour la construction et l’infrastructure au sein du département informatique.
Pour développer leurs modèles 3D, les concepteurs utilisent généralement deux grandes plateformes de CAO : Catia V5 de Dassault System, pour la conception mécanique, et E3D d’Aveva, pour la conception des installations, qui permet notamment d’étudier les réseaux de tuyaux, les systèmes de chauffage, ventilation et conditionnement d’air (HVAC), les supports structurels et les composants électriques. Chaque plateforme possède ses propres formats si bien que, jusqu’à juin dernier, toute personne qui souhaitait visualiser un modèle et ses attributs techniques devait utiliser le système de CAO dans lequel ce modèle avait été développé, ce qui nécessitait une licence et représentait un coût important lorsque le nombre d'utilisateurs augmente. Et les personnes qui souhaitaient simplement visualiser le modèle avaient généralement besoin d’une formation pour utiliser les outils complexes associés aux conceptions avancées.
La nouvelle plateforme est conviviale et permet de visualiser l’ensemble du site (voir la vidéo ci-dessous). La licence de Navisworks 3D Viewer est peu coûteuse et existe en version gratuite pour les « utilisateurs de base ». La version de bureau est déjà disponible au téléchargement mais le département informatique prévoit de l’intégrer à la plateforme collaborative ITER (ICP), sous la forme d’une version web ne nécessitant aucun logiciel supplémentaire, ce qui facilitera l’accès à l’application.
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La technologie disponible depuis juin répond à un besoin identifié depuis longtemps par le programme ITER : permettre à chacun de visualiser n’importe quelle partie de l’installation. Avec ce nouvel outil, les ingénieurs ont la possibilité de voir tout ce qui se trouve autour du système qu’ils conçoivent afin de vérifier l’absence de conflits. Quant aux équipes de construction, elles disposent ainsi d’un modèle 3D de ce qu’elles doivent installer et de tout ce qui l’entoure. Enfin, le modèle peut être utilisé pour préparer une visite du site, ce qui permet aux accompagnateurs de voir où ils emmèneront les visiteurs.
Ces différentes utilisations ne sont qu’un début. Selon Jean-Daniel Delaplagne, une nouvelle solution est en cours d’expérimentation afin d’améliorer les examens de conception grâce à la réalité mixte. Les ingénieurs et les chefs de projet peuvent porter des casques Meta Quest pour visualiser le modèle 3D à distance comme s’ils étaient présents dans la pièce, ce qui devrait améliorer la productivité.
« C’est le Design Office qui gère le logiciel de CAO 3D, indique Mickael Chabre. Mais sans l’aide des services informatiques, nous n’aurions pas pu automatiser l’extraction des données provenant du logiciel de CAO et les fusionner en une seule plateforme. » C’est Navisworks qui est utilisé à l’heure actuelle mais Mickael Chabre souligne que, si celui-ci venait à être remplacé par une autre solution, les données de départ seraient déjà disponibles et pourraient être transférées vers la nouvelle plateforme.
Ce modèle intégré, qui propose actuellement une vue virtuelle d’ITER, sera mis à jour au fur et à mesure de la construction et offrira ainsi tout un éventail de nouvelles utilisations. Les opérations de numérisation ont déjà commencé dans certains bâtiments afin de recenser et de cataloguer ce qui a déjà été installé. « Nous utilisons la solution de numérisation laser Cintoo pour gérer la numérisation des bâtiments, en créant des milliards de points avec une précision au millimètre, explique Jean-Daniel Delaplagne. Ceci permettra aux utilisateurs de comparer un élément virtuel à celui qui a été construit. Il sera possible de les superposer afin de mettre en évidence les différences. »