Microsoft et ITER se rapprochent pour exploiter la puissance de l’IA
Alors qu’ITER utilise les outils Microsoft depuis des années, les deux organisations ont mis en place une collaboration formelle dont elles pourraient tirer des bénéfices insoupçonnés.
La coopération entre les deux organisations s’est resserrée la semaine dernière avec la signature d’un protocole d’accord qui vise à utiliser l’intelligence artificielle (IA) et d’autres technologies numériques pour aider les ingénieurs à construire la machine ITER et accélérer la recherche sur la physique nucléaire.
Motivé par les enseignements tirés de plusieurs cas concrets, Alain Bécoulet, le directeur général adjoint et directeur scientifique d’ITER, a commencé à tisser des liens plus étroits avec Microsoft en 2023. Il préconisait déjà de développer l’usage des technologies numériques, notamment de faire appel à Microsoft Copilot pour faciliter l’extraction des documents du système de gestion documentaire d’ITER (un nouvel outil est disponible depuis peu). Pour Alain Bécoulet, il est tout aussi important d’aider les chercheurs à gérer les connaissances acquises au fil du projet que d’aboutir au résultat final. « Nous voulons stabiliser ces connaissances sous forme de codes et de normes afin que les prochains projets de construction d’un réacteur nucléaire ou d’une machine du même type puissent s’appuyer sur ce qui a déjà été fait plutôt que de réinventer la roue », dit-il.
Les deux organisations ont bien compris l’intérêt de cette coopération renforcée. Alors que les chercheurs et les ingénieurs sont extrêmement compétents dans leur propre domaine mais beaucoup moins dans celui de l’IA, des entreprises à l’avant-garde de l’IA telles que Microsoft peuvent, par le biais de la collaboration, aider les chercheurs comme ceux qui travaillent sur la fusion nucléaire à exploiter la puissance de cette technologie. Les fruits de ce rapprochement pourraient excéder la somme de ce que chacune de ces entités obtiendrait à elle seule.
Une collaboration qui s’annonce fructueuse
ITER est particulièrement intéressé par une coopération avec Microsoft Research, qui a été fondé en 1991 et compte aujourd’hui plusieurs centaines de salariés qui mènent des recherches fondamentales dans différents domaines, notamment les sciences sociales.
Lorsque l’IA générative a fait son apparition, il y a trois ans, Microsoft Research a créé un tout nouveau département baptisé « IA pour la science ». « Nous avons compris que, grâce aux nouveaux modèles d’IA générative, l’intelligence artificielle deviendrait transformatrice », souligne Philippe Limantour, directeur Technologique et Cybersécurité chez Microsoft France. « Nous avons donc décidé de créer des équipes regroupant des spécialistes de l’IA, des experts en science des données et des chercheurs de différents domaines afin qu’ils travaillent ensemble et utilisent l’IA pour résoudre des problèmes extrêmement complexes tels que la mise au point de nouveaux médicaments ou la découverte de nouveaux matériaux. »
Pour ITER, cela pourrait faciliter la construction de précision ou améliorer la modélisation des plasmas. Par exemple, l’IA peut être utilisée pour créer des jumeaux numériques qui aideront les équipes d’assemblage à choisir virtuellement la solution la plus adaptée. Elle pourrait aussi faciliter l’examen de la multitude de données produites pendant l’assemblage et le soudage de la chambre à vide et permettre de contrôler plus rapidement la qualité et la précision des travaux.
Les jumeaux numériques aideront aussi les physiciens à établir des prévisions de comportement du plasma dans différents scénarios. Ils peuvent également être utilisés pour générer des données de synthèse afin d’entraîner les modèles d’IA, puis tester des scénarios pour faciliter les expérimentations. « Notre objectif est d’améliorer la modélisation intégrée des plasmas d’ITER, tant en termes de conception expérimentale que de contrôle en temps réel, mais aussi l’analyse et le traitement de gigantesques volumes de données », explique Alain Bécoulet. Il ajoute que cette coopération pourrait aussi décupler la capacité d’ITER à optimiser son régime opérationnel basé sur les calculs les plus fondamentaux, au travers de simulations utilisant les plus grosses capacités de calcul actuellement disponibles ainsi que de solides compétences d’exploration de données.
L’IA est l’un des principaux domaines de collaboration mais ce n’est pas le seul. Microsoft propose aussi des services de calcul haute performance et ses ingénieurs sont spécialisés dans l’adaptation des logiciels à l’architecture en rapide évolution des machines les plus rapides au monde. Beaucoup des codes utilisés pour les simulations de physique d’ITER ont été écrits dans les années 1970 et ne bénéficient pas des GPU et des capacités de traitement massivement parallèles actuellement disponibles. Les experts de Microsoft peuvent aider ITER à adapter ces logiciels afin d’accélérer leur fonctionnement sur les équipements informatiques modernes et poursuivre ces adaptations en fonction de l’évolution des machines.
Au vu de la nature évolutive des technologies numériques, et de l’enthousiasme des deux partenaires, Alain Bécoulet anticipe des retombées très positives au fil des ans.