La nouvelle feuille de route privilégie un démarrage « robuste » de l’exploitation
Le 3 juillet, lors d’une conférence de presse qui a réuni près de 200 journalistes et partenaires d’ITER, le directeur général Pietro Barabaschi a répondu à de nombreuses questions concernant la mise en œuvre de la « feuille de route » en cours d’évaluation par le Conseil ITER, organe exécutif d’ITER Organization. Les principaux messages étaient les suivants : les objectifs programmatiques d’ITER demeurent inchangés et la phase expérimentale initiale de la machine, bien que retardée, sera beaucoup plus conséquente que dans le planning précédent.
La nouvelle feuille de route se substitue au planning qui servait de référence depuis 2016, mais qui était officiellement considéré, et depuis plusieurs années, comme n’étant « ni réaliste, ni réalisable ni optimal ». Les principales causes du retard accumulé—la pandémie de Covid-19 qui a affecté les fabrications et les inspections sur les lieux de production et désorganisé l’ensemble de la chaîne logistique ; la nécessité de réparer certains éléments essentiels de la machine— ont conduit à reconsidérer les séquences d’assemblage et d’exploitation d’ITER.
Le premier « jalon » du plan de 2016 prévoyait de produire un premier plasma dans des conditions d’énergie magnétique et d’intensité électrique faibles, lequel aurait été immédiatement suivi d’une phase d’installation des principaux éléments internes de la machine se déployant sur plusieurs années. Le retard accusé par le programme a ouvert la voie à une nouvelle possibilité : démarrer l’exploitation avec une machine plus proche d’être finalisée.
La nouvelle feuille de route a été conçue pour privilégier un démarrage efficace de l’exploitation scientifique. Pour sa phase opérationnelle initiale (Start of Research Operation, ou Démarrage de la phase d’expérimentation), la machine ITER sera équipée d’un divertor, de modules de couverture ainsi que d’autres éléments et systèmes essentiels. Cette configuration permettra de produire des plasmas d’hydrogène et de deutérium-deutérium et d’aller vers des décharges de longue durée sous une intensité du champ magnétique et avec un courant plasma maximaux.
« Plutôt qu’un premier plasma symbolique que je comparerais à un ‘test machine’ réalisé avec un réacteur relativement ‘nu’, explique le directeur général Pietro Barabaschi, nous entrons d’emblée dans une véritable phase de recherche conduisant à démontrer la faisabilité d’une mise en service intégrée, avec une intensité du champ magnétique et un courant plasma maximaux. Ce démarrage « robuste » et scientifiquement consistant nous permettra de rattraper une partie du retard accumulé mais également de limiter les risques techniques au cours de notre progression vers les objectifs du programme. »
La nouvelle feuille de route propose également d’allouer plus de temps à la mise en service intégrée, de tester certaines bobines magnétiques à 4 K (moins 269°C), de mettre en œuvre un système de chauffage supplémentaire, et d’installer un système de réduction des disruptions. Par ailleurs, le matériau de première paroi face au plasma, le béryllium, sera remplacé par du tungstène. « Aucun programme de fusion ne prévoit d’utiliser le béryllium pour son réacteur, explique le directeur général. Avec cette modification, notre approche gagne en pertinence pour les dispositifs de prochaine génération. »
Le nouveau plan prévoit d’atteindre l’intensité magnétique maximale en 2036, avec trois années de retard sur ce qui était anticipé par la feuille de route de 2016, tandis que le démarrage de la phase d’exploitation deutérium-tritium, en 2039, sera différée de quatre ans.
Le directeur général a tenu à souligner que les objectifs fondamentaux du programme demeuraient inchangés : démontrer qu’il est possible d’intégrer les systèmes nécessaires à l’exploitation industrielle de la fusion et obtenir un plasma en combustion générant 500 MW thermiques d’énergie de fusion pour 50 MW de puissance de chauffage injectée dans le plasma (Q≥10), ainsi que des décharges de 400 secondes, afin d’atteindre l’équilibre thermique (dans le plasma et les structures).
En termes de budget, le directeur général d’ITER a indiqué que ces nouveaux plans génèreront un coût supplémentaire de 5 milliards d’euros pour ITER Organization, un chiffre en cours d’examen par les membres d’ITER. Les coûts d’ITER ont toujours été difficiles à estimer avec précision car l’essentiel de la contribution des membres se fait « en nature », en fabricant les éléments de la machine et les systèmes de l’installation. Les gouvernements des pays membres ne sont pas tenus de communiquer le coût effectif de ces fabrications.
Consultez le document de synthèse fourni aux journalistes (en anglais) ici.