Modules de couverture

La fabrication à mi-parcours

Tout commence avec un bloc d'acier inoxydable de neuf tonnes. Au fil des opérations d'usinage et de fraisage, le bloc rectangulaire s'allège progressivement et gagne en complexité. Deux ans après son arrivée sur la chaîne de fabrication, le bloc d'acier d'origine s'est transformé en un élément extrêmement complexe—un « module de couverture » de deux mètres de largeur, 1,5 mètre de hauteur et 50 centimètres d'épaisseur qui pèse en moyenne 3 tonnes. En Corée et en Chine, les deux pays chargés de fournir les modules de couverture, près de 55 % des fabrications sont désormais achevées.
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Sur la droite, l'image en transparence nous montre que la configuration interne des modules de couverture, avec ses canaux de refroidissement, est tout aussi complexe que leur géométrie externe. Une fois associés à un panneau de première paroi, les modules de couverture joueront un double rôle : protéger du flux de neutrons la structure en acier de la machine et les bobines de champ toroïdal et transférer la chaleur vers le circuit de refroidissement via les canaux de refroidissement.
À l'intérieur de la machine ITER, 440 modules de couverture seront associés à 440 panneaux de première paroi pour former la couverture. Les éléments de la couverture, qui recouvriront l'ensemble de la surface interne de la chambre à vide, joueront un double rôle : protéger la structure de la machine et les bobines de champ toroïdal contre le flux de neutrons généré par la réaction de fusion et transférer la chaleur induite par ce même flux vers les canaux de refroidissement situés à l'intérieur du module. Dans les futures centrales de fusion, c'est cette chaleur qui permettra de produire de l'électricité.

« Du fait de leur double mission, de leurs équipements, des nombreuses interfaces qu'ils intègrent et de l'environnement extrême auquel ils seront exposés, les modules de couverture sont des composants extrêmement complexes, à la fois dans leur structure interne et dans leur géométrie externe, explique Fu Zhang, le responsable technique en charge des modules de couverture qui participe à leur développement depuis 2003. Nous devons garantir leur intégrité et leur efficacité, ainsi que le fonctionnement des équipements de diagnostic qui leur sont associés, dans un environnement qui cumule un vide très poussé, une irradiation nucléaire, des charges thermiques générées par la réaction de fusion et des forces électromagnétiques intenses induites par les instabilités transitoires du plasma. »

À tous ces défis viennent s'ajouter l'existence de plus d'une centaine de variantes dans la géométrie des modules, en fonction de leur emplacement dans la chambre à vide et de l'espace nécessaire pour les systèmes d'interface tels que les systèmes de chauffage et de diagnostic du plasma. « Nous sommes parvenus à fabriquer en série cet élément terriblement exigeant, c'est une première mondiale ! »

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Mettant un terme à quatre années d'échanges virtuels, le point d'étape du mois de décembre 2023 a été organisé dans l'usine Dongfang Heavy Machinery, en Chine. De gauche à droite : Ryan Hunt, responsable du programme Couverture d'ITER, Frédéric Escourbiac, directeur adjoint du programme Technologie nucléaire d'ITER, et Fu Zhang, responsable technique en charge de la fourniture des modules de couverture d'ITER.
Au mois de décembre dernier, un point d'étape a été organisé dans la ville chinoise de Guangzhou, chez Dongfang Heavy Machinery, le principal fournisseur des modules de couverture dont la Chine a la responsabilité. Étaient présents à cette réunion de travail (la 81e depuis 2013) : Fu Zhang, Frédéric Escourbiac (directeur adjoint du programme Technologie nucléaire d'ITER), Ryan Hunt (responsable du programme Couverture d'ITER) ainsi que des représentants de l'Agence domestique chinoise et du Southwestern Institute of Physics (SWIP) qui apporte une assistance technique au programme. Il s'agissait du premier point d'étape en présence de chacun des acteurs depuis la pandémie qui avait fortement limité les déplacements internationaux.

« Longtemps retardée, cette réunion nous a remis en présence les uns des autres, et elle a été très fructueuse, ajoute Fu Zhang. Après quatre années d'échanges virtuels, nous avons enfin renoué avec nos collègues et ces interactions directes nous ont permis de nous comprendre beaucoup plus facilement. » L'équipe ITER a été très impressionnée par ce qu'elle a vu à l'usine de Dongfang Heavy Machinery : « Une forêt de modules de couverture à différentes étapes de fabrication, que nous avons pu examiner et toucher, dit Frédéric Escourbiac. Les éléments semblaient prêts à être expédiés et installés... de quoi stimuler notre motivation ! »

L'enthousiasme n'aurait pas été moindre si l'équipe s'était rendue chez EM Korea Co Ltd., où sont fabriqués les modules de couverture coréens, ou chez Vitzrotech Ltd., où ils sont testés. Un peu plus d'une décennie après la signature des accords de fourniture, au mois d'avril 2013, la fabrication en série de ces éléments sans équivalent a atteint son rythme de croisière en Corée et en Chine. Sur un total de 220 modules de couverture pour chacun des deux pays, le premier lot provenant de Corée (90 unités) devrait être livré à ITER d'ici le milieu de l'année 2025, suivi, six mois plus tard, du premier lot venant de Chine (106 unités).