Usine cryogénique

Pour préparer la mise en service

Chaque semaine depuis le début du mois de novembre, une remorque porte-tubes chargée d'environ 4 600 m3 (750 kg) d'hélium gazeux comprimé livre sa cargaison à l'usine cryogénique d'ITER. Dans un deuxième temps, l'hélium sera fourni sous forme liquide et les volumes seront beaucoup plus importants (citernes cryogéniques de 25 000 m3 contenant chacun 4 tonnes d'hélium). Progressivement, le stock d'hélium de l'usine cryogénique atteindra le volume nécessaire pour servir les différents « clients » à l'intérieur du tokamak, en particulier les aimants supraconducteurs et le système de pompage cryogénique ainsi que, dans une moindre mesure, le bouclier du cryostat.
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Depuis trois ans et demi, près de 5 000 tonnes d'équipement (réservoirs, compresseurs, tuyauteries, vannes, moteurs électriques de la taille d'un camion et ballons à gaz gros comme des zeppelins) ont été installées dans l'usine cryogénique. Sur la photo, l'un des trois « trains » de compresseurs d'hélium à vis qui alimentent les boîtes froides en hélium comprimé à 20 bars.
La constitution du stock d'hélium est une étape décisive du processus de mise en service de l'installation cryogénique. « Depuis trois ans et demi, nous avons assemblé et installé près de 5 000 tonnes d'équipement et posé des kilomètres de tuyauteries, explique David Grillot, le responsable du département Système cryogénique d'ITER, soit environ un million d'heures de travail qui ont mobilisé jusqu'à 200 personnes à plein temps. Nous abordons aujourd'hui la phase de réception provisoire, pendant laquelle il faudra tester et vérifier les systèmes de contrôle-commande, réaliser des essais d'étanchéité et assurer la propreté, la pureté de l'hélium et la sécurité des équipements. »

Tout comme le sang d'un organisme vivant, l'hélium joue un rôle essentiel dans le fonctionnement et les performances de l'usine cryogénique. « L'hélium livré par la remorque porte-tubes est extrêmement pur, avec moins de 2 ppm (parts par million) de molécules étrangères. Cette valeur doit rester inférieure à 10 ppm dans nos installations, ce qui signifie qu'il faut créer un vide dans tous nos réservoirs et tuyauteries avant de les remplir, une procédure appelée « inertage en hélium ».

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Les réservoirs et les divers équipements situés le long de la face nord du bâtiment font partie intégrante de l'usine cryogénique. De gauche à droite : l'une des deux cuves servant à récupérer l'hélium en cas d'effondrement de la supraconductivité des aimants (« quench »); un réservoir de stockage d'hélium de 200 000 litres ; des évaporateurs atmosphériques ; l'une des deux boîtes froides à 80 K (pour le refroidissement de l'écran thermique du cryostat) ; un réservoir vertical de stockage d'azote liquide et sept réservoirs verticaux de stockage d'azote et d'hélium.
L'hélium n'est pas le seul fluide réfrigérant intervenant dans le fonctionnement de l'usine cryogénique. En janvier 2022, des remorques spéciales commenceront à livrer le « premier chargement » d'azote liquide (400 000 litres), qui sera utilisé comme pré-réfrigérant dans le processus de refroidissement à l'hélium. Pendant la phase d'exploitation, une unité de séparation d'air permettra d'extraire directement l'azote de l'atmosphère pour compenser les pertes inévitables.

La séquence de mise en service définitive de l'usine cryogénique est étroitement dépendante de la disponibilité des autres systèmes et installations. Les compresseurs, turbines et moteurs électriques sont de très grosses machines qui nécessitent une puissance de refroidissement considérable, laquelle ne sera disponible que lorsque le système d'évacuation de chaleur de l'installation ITER sera pleinement opérationnel. « Fort heureusement, une grande partie de la réception provisoire peut être réalisée sans eau de refroidissement », glisse David Grillot dans un sourire.

Il faudra également tester la circulation d'hélium supercritique dans le Bâtiment tokamak avant de finaliser l'installation de la totalité des aimants. Des « dérivations » seront donc installées afin de créer un circuit fermé permettant de vérifier que le système cryogénique est capable d'assurer sa mission.

Les essais de réception opérationnelle débuteront au cours des premiers mois de 2022. « Si tout se passe bien, l'usine cryogénique sera en ordre de marche en 2024 », dit David Grillot. Pour le responsable du département Système cryogénique d'ITER, l'aventure aura duré plus de dix ans, tout d'abord en tant qu'ingénieur chargé de la conception et de la fabrication chez le fournisseur français Air Liquide, puis chez ITER depuis le début de l'année 2016.

Mais comme toujours, la réussite du projet reposera sur un travail d'équipe. Dans le cas de l'usine cryogénique, l'équipe intégrée Cryogénie regroupe les trois parties chargées de fournir les installations : ITER Organization, responsable de l'unité d'hélium liquide ; l'Europe, en charge de l'unité d'azote liquide et des systèmes auxiliaires, et enfin l'Inde, qui a fourni les lignes cryogéniques, les lignes chaudes et les composants de cryodistribution.