29e FEC à Londres

Une « période cruciale » pour le développement de la fusion

Nous sommes à Londres, tout près du Parlement, là où vibre de toute son énergie la vie politique du Royaume. Pendant une semaine, c'est une autre forme d'énergie qui va tenir le devant de la scène : au cœur de la cité de Westminster, le centre de conférences Reine Élisabeth II accueille la 29e Conférence sur l'énergie de fusion organisée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
L'AIEA a organisé la première conférence sur l'énergie de fusion en 1961, dans la ville autrichienne de Salzbourg. La 29e édition, co-organisée avec le gouvernement britannique par l'entremise de l'UKAEA (United Kingdom Atomic Energy Authority), est la première conférence en présentiel depuis 2018. En raison du Covid, l'édition 2020 s'était tenue à distance.
« La fusion progresse... dans le monde entier, a souligné Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), lors de l'ouverture de la 29e conférence sur l'énergie de fusion de l'AIEA, le 16 octobre 2023. Nous vivons une période cruciale pour le développement de ce secteur et de nouvelles parties prenantes souhaitent, et doivent, entrer dans le dialogue. »

« Cette nouvelle étape dans l'aventure de l'énergie de fusion nous permettra de passer de l'expérimentation à la démonstration et à la production commerciale d'énergie de fusion », a-t-il expliqué alors qu'il annonçait la création d'une nouvelle initiative visant à renforcer la collaboration autour de l'énergie de fusion : le World Fusion Energy Group. Le directeur général a aussi présenté l'IAEA World Fusion Outlook 2023, la première édition d'une publication dont il est convaincu qu'elle deviendra la « référence mondiale » et fera autorité en matière d'information sur l'énergie de fusion.

Le programme de la conférence a débuté par une annonce importante : la production du tout premier plasma auto-chauffant. Costanza Maggi, membre de l'UKAEA et ancien responsable du groupe de travail JET, a expliqué que l'un des résultats les plus remarquables de la campagne JET 2021/22 au combustible deutérium-tritium fut l'observation directe, pour la toute première fois, d'un plasma de fusion capable de maintenir sa température par chauffage alpha, un processus dans lequel des ions d'hélium très énergétiques (particules alpha) générés par la réaction de fusion transfèrent leur chaleur au mélange combustible, entretenant ainsi le phénomène de fusion. « Pour parvenir à développer des centrales de fusion, il est absolument essentiel d'étudier ce processus dans des conditions réalistes. »

Avec 1 000 participants présents à Londres et 1 600 autres connectés à distance, la conférence sur l'énergie de fusion de l'AIEA a réuni des acteurs de la fusion venus du monde entier. Selon Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l'AIEA, « l'aventure de l'énergie de fusion » progresse aujourd'hui « de l'expérimentation vers la démonstration et vers une collaboration autour de l'énergie de fusion commerciale. »
Au cours de la même séance, Pietro Barabaschi, le directeur général d'ITER, a fait le point sur ITER et sur les problématiques auxquelles est confronté le programme, notamment la réparation de certains éléments critiques. « Malgré ces défis, a-t-il indiqué, nous sommes sur la bonne voie avec ITER. Nous devons juste prendre conscience des problèmes auxquels nous sommes confrontés et ne pas les cacher sous le tapis. Cela représente un changement de culture pour le programme ITER. » Pietro Barabaschi a ajouté qu'il proposerait une nouvelle feuille de route au Conseil ITER, l'instance dirigeante du programme, en 2024. Il a également soulevé une problématique reprise tout au long de la conférence : la nécessité de veiller à la gestion des connaissances et à la disponibilité d'un personnel qualifié pour une future économie de la fusion.

Tout au long de la semaine, près de 1 000 participants venus de plus de 80 pays — chercheurs sur la fusion, ingénieurs, responsables politiques, acteurs de la réglementation et entrepreneurs — se sont retrouvés à Londres pour faire le point sur les dernières évolutions et planifier un avenir intégrant l'énergie de fusion. 1 600 autres personnes ont participé en visioconférence. La conférence était organisée autour de 23 sessions techniques, avec plus de 100 interventions et plus de 800 présentations sous forme d'affiches.

Les participants à la conférence représentaient de nombreuses initiatives publiques et privées menées autour de la fusion à travers le monde. Les thèmes abordés lors des sessions scientifiques : confinement magnétique, fusion inertielle, science des matériaux, conception des machines, physique des plasmas, etc., étaient le reflet de cette diversité. D'importantes questions de société en rapport avec la fusion ont été débattues lors de plusieurs manifestations parallèles, notamment la justice énergétique, la participation publique et les voies vers l'électricité de fusion.

L'une de ces manifestations était organisée par Women in Fusion (WiF). Avec plus de 100 participants issus de 13 pays, le déjeuner-débat « Créer des ressources humaines inclusives dans le secteur de la fusion » a clairement montré que le thème d'une meilleure parité hommes-femmes dans le domaine de la fusion trouvait un écho chez un grand nombre de participants à la conférence FEC. Lancée en juillet 2022, l'initiative Women in Fusion compte déjà plus de 500 membres et a mis en place un programme de mentorat.

« Powering fusion, empowering women » (promouvoir la fusion, promouvoir les femmes). Tel est le slogan de Women in Fusion, une plateforme mondiale créée pour apporter inspiration et soutien aux femmes engagées dans ce secteur au travers du partage d'expérience, du mentorat et de la promotion des contributions féminines. Lors de la conférence FEC2023, le groupe a organisé un déjeuner-débat autour du thème « Créer des ressources humaines inclusives dans le secteur de la fusion ».
Comment fabrique-t-on une machine de fusion ? Lors d'une session parallèle consacrée à la technologie d'ITER, les représentants des agences domestiques ont partagé leurs points de vue ainsi que les enseignements tirés de la fabrication des éléments uniques en leur genre destinés à ITER. Parmi les principaux défis, les intervenants ont mentionné des problèmes techniques tels que les strictes tolérances de fabrication ainsi que des questions logistiques et organisationnelles liées au transport international et à la gestion des contrats. À leurs yeux, l'enseignement le plus important était qu'une collaboration internationale efficace est une condition préalable capitale pour la réussite d'un projet de cette envergure.

Les représentants des initiatives publiques et privées pour la fusion ont examiné les « voies de la fusion ». Ils ont identifié une série de problématiques à gérer pour concrétiser l'énergie de fusion, notamment la collaboration entre les programmes publics et privés, la formation du futur personnel de la fusion, l'implication des collectivités, au niveau local et mondial, afin de garantir la justice énergétique, la viabilité économique de la fusion, l'instauration d'un dialogue avec les fournisseurs d'énergie actuels et, enfin, la question des autorisations et de la sécurité de l'énergie de fusion.

Le lieu de la prochaine édition a été dévoilé à la fin de la manifestation : la 30e conférence sur l'énergie de fusion de l'AIEA se tiendra dans la cité historique de Xi'an, en Chine. Min Xu, du Southwestern Institute of Physics (SWIP) chinois, a présenté Xi'an comme une ville de lumière et d'éternité, « l'une des plus illustres cités de Chine, où l'histoire résonne à chaque coin de rue. » Le passé ira à la rencontre du futur lorsque la principale conférence sur l'énergie de fusion prendra ses quartiers dans le cadre historique de Xi'an, en 2025.