Et maintenant ... l'assemblage

15 oct, 2019

Plus lourd que trois Tour Eiffel, aussi haut que la voûte de l'Arc de Triomphe, le tokamak ITER est un instrument scientifique de très haute précision. L'assemblage de ce prodigieux Meccano, à partir du printemps de l'année prochaine, représente un défi auquel l'industrie et le monde de la recherche n'ont jamais été confrontés.

Pit from above
Dans la fosse d'assemblage, les ancrages de la machine et du « thermos » géant qui l'enveloppe (le cryostat) sont en cours d'installation.
Le tokamak ITER compte plus d'un million de pièces. Certaines ont la taille d'un immeuble de six étages et la masse d'un Boeing 747 à pleine charge — elles doivent cependant s'ajuster au millimètre près. Pour réaliser ces opérations, des outils spécifiques ont été conçus. Les plus spectaculaires, fournis par la Corée et mis en service par une société française (CNIM), manipuleront des « pré-assemblages » de l'ordre de 1 500 tonnes — l'équivalent, pour rester dans les comparaisons aéronautiques, de trois Airbus A380 eux aussi à pleine charge.

Positionnés avec la plus extrême précision, certains des composants les plus massifs doivent en outre former des environnements parfaitement étanches. La « chambre à vide » du tokamak, par exemple, est une enceinte de 1 400 mètres cubes dans laquelle doit régner un vide extrêmement poussé, comparable à celui de l'espace interstellaire. Or cette enceinte, de forme toroïdale (comme un doughnut ou une chambre à air) est constituée de neuf secteurs qui doivent être assemblés et soudés entre eux. Le niveau d'étanchéité requis est tel que, sur une période de 10 000 ans, le volume d'air susceptible de traverser la paroi ne doit pas excéder celui d'un verre de table...

« La machine ITER est unique. « Rien d'approchant n'a jamais été construit, explique Katsumi Okayama, le responsable du département Construction d'ITER Organization. Du point de vue industriel, pour certaines opérations, nous allons être confrontés à des problématiques totalement inédites. »

L'entreprise est d'une telle ampleur et d'une telle complexité qu'elle ne peut être abordée qu'en « isolant » et en traitant individuellement chacune des milliers de tâches requises. Cette approche permet de prendre en compte ce que Katsumi Okayama appelle les « incertitudes » liées à la disponibilité des zones de travail, des outils d'assemblage, des composants eux-mêmes et des « ajustements » dont ils devront parfois faire l'objet une fois livrés sur le site de construction. « Le fractionnement des tâches nous garantit la flexibilité dont nous avons absolument besoin. »

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Les premiers piliers de la structure métallique du Hall de levage sont en place. Tout doit être prêt pour le début des opérations d'assemblage au printemps 2020.
Les deux consortiums auxquels ITER Organization va confier les travaux d'assemblage de la machine ont été choisis. Le premier réunit des entreprises chinoises spécialisées dans l'industrie nucléaire (avec une participation du français Framatome) ; le second rassemble des sociétés italiennes, françaises (Endel-Engie, Orys-Ortec) ainsi qu'une entreprise espagnole. Les systèmes industriels qui viennent en support du tokamak et occupent la plus grande partie de la plateforme de 42 hectares on fait quant à eux l'objet d'une demi-douzaine de contrats différents.

En confiant l'assemblage du « cœur de la machine » à deux consortiums, ITER entend minimiser le risque : en cas de défaillance de l'un, l'autre peut prendre le relais sans que le planning des travaux en soit trop affecté.

Sur le chantier de construction, à Saint-Paul-les Durance (13), les signes qui annoncent la prochaine phase de travaux sont nombreux : dans le Hall d'assemblage, les tests fonctionnels des « outils de sous-assemblage » se terminent ; la structure métallique du futur Hall de levage est en cours d'installation et, dans la « fosse du tokamak » les spécialistes positionnent avec une précision d'horloger les pièces sur lesquelles viendra s'ancrer la machine.

Dans l'Atelier du cryostat, un cylindre d'acier de 30 mètres de diamètre semblable à une assiette à soupe renversée — la base du cryostat — attend patiemment son heure. Cette pièce de 1 250 tonnes, la plus lourde de tout le Meccano, a été finalisée cet été. Elle sera la première à descendre dans la fosse, inaugurant un processus de cinq ans au terme duquel ITER pourra produire son premier plasma.