Miroir, génie du miroir...

2 nov, 2014
Pour insérer les bâtiments d'ITER dans le paysage, quelle est la marge d'intervention d'un architecte?
miroir
Reflétant les tonalités changeantes des saisons qui passent, l'acier miroir exprimera, selon l'architecte, ''la précision du travail de recherche effectué à l'intérieur des bâtiments''. © ENIA Architectes

Changer leur morphologie ? Impossible : c'est la fonction, scientifique ou industrielle, qui détermine la volumétrie, l'agencement, l'emprise au sol de chaque bâtiment. Parer les constructions d'un revêtement de couleur ? Risqué : ce qui se fond harmonieusement dans le paysage provençal à midi sous le grand soleil de l'été risque de paraître fade et déprimant sous la pluie de novembre.

« La problématique était intéressante, explique Simon Pallubicki, architecte associé au sein du cabinet ENIA, choisi dès 2009 pour réaliser l'habillage de l'installation ITER. En termes de fonctionnalité, de taille, de matériaux, les bâtiments de la plateforme sont très hétérogènes. Les paramètres sur lesquels un architecte peut jouer, comme la régularité ou l'alignement, sont totalement absents. »

Les architectes d'ENIA, un cabinet parisien spécialisé dans les problématiques industrielles, ont dû relever un double défi : comment conférer une unité au « désordre » apparent de la plateforme, et comment l'insérer, de la manière la plus subtile possible, dans le paysage environnant.

Conjuguant audace et retenue, la solution proposée — et retenue — consiste à plaquer sur l'ensemble des constructions (à l'exception du Bâtiment de contrôle) un bardage alternant des bandes d'acier poli et de métal laqué gris.

La proportion entre l'acier, poli comme un miroir, et le métal laqué, moins réfléchissant, variera en fonction de l'orientation des bâtiments : 80% de miroir sur les façades orientées est-ouest ; 80% de métal laqué pour les façades nord-sud.

Seul, le Bâtiment de contrôle, « cerveau » de l'installation, bénéficiera d'un traitement 100% miroir.

Reflétant les tonalités changeantes des saisons qui passent, l'acier miroir exprimera également, selon les architectes d'ENIA, « la précision du travail de recherche effectué à l'intérieur des bâtiments. »

L'architecture est affaire de fonctionnalité autant que d'esthétique : l'acier, poli ou laqué, contribuera à une meilleure isolation des façades qu'il recouvre.

Mais quel sera l'impact visuel de cet ensemble de bâtiments dont le plus haut, qui est aussi le plus vaste, culminera à 60 mètres ? Pour l'évaluer, les architectes d'ENIA ont passé des journées entières à parcourir les environs d'ITER, à pied et en voiture, dans un rayon de 40 à 50 kilomètres.

La tentation était grande, expliquent-ils dans leur Notice architecturale et paysagère, de faire d'ITER « une œuvre architecturale complètement autonome ». Car l'installation n'est pas isolée ; elle marque un « point d'orgue » dans le paysage industriel de la vallée de la Durance et elle est naturellement appelée à dialoguer avec son environnement physique et humain.

Il importe donc que les habitants de la vallée et des collines, ses voisins, se l'approprient comme un élément familier et qu'à terme, l'architecture d'ITER « marque positivement leur histoire locale et régionale. »

Il importe également qu'au travers des choix architecturaux, les enjeux d'ITER soient perceptibles par tous. Pour ENIA, la propreté clinique des façades reflétant le ciel changeant et le passage des saisons évoquera cette source d'énergie inépuisable, universellement disponible, sûre et respectueuse de l'environnement à laquelle ITER doit donner accès.