Le plus grand Meccano du monde
Rien de tel avec ITER. La machine est unique et la plupart de ses éléments sont expérimentaux. S'il existe d'autres grands tokamaks dans le monde, aucun n'approche la taille et la complexité de celui que l'on construit à Saint-Paul-lez-Durance.
Au défi de la complexité s'en ajoute un autre, non moins redoutable : celui de la fabrication des différentes pièces de la machine, coordonnée par ITER Organization mais répartie entre les sept partenaires du programme — la Chine, les 28 états membres de l'Union européenne et la Suisse, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis.
Participer à ITER, c'est donc apprendre à maîtriser tous les paramètres, scientifiques, technologiques, organisationnels et industriels permettant d'aborder la construction, à l'horizon 2030, d'un prototype de réacteur de fusion industriel (voir « ITER, et après ? », Le magazine n°3).
Dans cette perspective, il faut que chacun puisse toucher à tout. Ainsi, l'Europe et la Corée se partagent la fabrication des neuf « tranches » de la chambre à vide ; le solénoïde central est l'œuvre des Etats-Unis et du Japon ; le divertor est le fruit d'une collaboration entre l'Europe, la Russie et Japon ; l'Inde partage la responsabilité du système de refroidissement avec les Etats-Unis ; la fabrication des modules de couverture est répartie entre la Chine, l'Europe, la Corée, la Russie et les Etats-Unis et six des sept partenaires sont impliqués dans la production des aimants de la machine.
Finalisée au début de l'année 2006, la répartition des tâches s'est faite en tenant compte à la fois des souhaits et des compétences techniques et industrielles de chacun.
Pour gérer ces contributions en nature, un système très particulier a été mis en place : ITER Organization, concepteur et chef d'orchestre de l'ensemble du programme, passe des « accords de fourniture » (Procurement Arrangements) avec les agences domestiques mises en place par chacun des sept partenaires, lesquelles lancent alors des appels d'offre auprès des industriels de leur pays. A ce jour, une centaine d'accords de fourniture ont été conclus, représentant près de 90% de la valeur totale de la machine et des bâtiments du programme (voir encadré). Ils ont débouché sur plus de 1 800 contrats de design ou de fabrication.
En Europe, en Asie, sur le continent américain, les usines tournent désormais à plein pour fabriquer les éléments et les systèmes du plus grand Meccano du monde — un million de « composants », plus de dix millions de pièces...
La gestion de ce système est lourde et complexe, parfois frustrante, mais sans lui, ITER n'existerait tout simplement pas.
Pour créer ITER, pour rassembler les partenaires autour d'un projet commun, il fallait dépasser la relation client-fournisseur qui est de règle dans l'industrie. Il fallait inventer une forme de partenariat, à la fois libre et contraignant, ménageant les intérêts de chacun et ceux de l'ensemble du programme.
C'est là la difficulté, mais aussi la beauté d'ITER, fondé sur un mode de collaboration et de partage qui n'avait jamais été expérimenté à ce jour.