Il y a 40 ans, le tokamak champion du monde était français

25 nov, 2013
TFR
Au mois de mai 1973, la revue Sciences et Avenir consacrait un important dossier à TFR, le tokamak français porteur des espoirs de « l'énergie H » (H pour hydrogène).

Il y a quarante ans, le tokamak le plus puissant du monde était français. Il s'appelait TFR et son volume de plasma, un record pour l'époque, était de l'ordre du mètre-cube — à comparer aux 840 mètre-cube du plasma d'ITER.

Mis en service au printemps 1973, TFR devait tout, ou presque, à un physicien visionnaire qui dirigerait bientôt la conception du JET et tiendrait les rênes du programme ITER de 1992 à 1994. L'identification de Paul-Henri Rebut à sa machine était telle que, pour nombre de ses collaborateurs, TFR signifiait « Tokamak façon Rebut » plus encore que « Tokamak de Fontenay-aux-Roses »...
 
Au mois de mai 1973, la revue Sciences et Avenir, sous la signature de François de Closets, consacrait un important dossier à cette machine, porteuse des espoirs de « la fusion thermonucléaire contrôlée » que le magazine avait choisi d'appeler « l'énergie H » (H pour hydrogène).
 
A la lecture de cet article, publié il y a plus de quarante ans, on mesure à quel point la problématique du début des années 1970 — la décennie des « choc pétroliers » successifs — était proche de celle que nous connaissons aujourd'hui. « Dans un monde affamé d'énergie, dont les besoins doublent tous les dix ans, dont l'inquiétude croît à mesure qu'augmente sa dépendance vis-à-vis des gisements fossiles, la fusion se présente comme la solution miracle, la réponse définitive aux problèmes d'approvisionnement énergétiques. »
 
Quel était l'état des recherches sur la fusion en 1973 ? Cinq ans plus tôt, le tokamak — un acronyme qui signifie « chambre toroïdale, bobines magnétiques » —, mis au point par les chercheurs soviétiques, s'était imposé comme la plus performante des machines de fusion. Comme leurs collègues américains, européens ou japonais, les chercheurs français, engagés depuis la fin des années cinquante dans la recherche sur la fusion, s'étaient convertis à cette architecture prometteuse.
 
Le Tokamak de Fontenay-aux-Roses, « la machine la plus évoluée sur le plan mondial », était le fruit de leurs efforts. TFR avait coûté 15 millions de francs (autant en euros de 2013) et avait été financé quasiment pour moitié par Euratom, l'organisme public européen chargé de coordonner les programmes de recherche sur l'énergie nucléaire.
 
La machine était ambitieuse, même si, rapportés aux résultats d'aujourd'hui, ses objectifs peuvent sembler modestes. De Closets évoquait une température de plasma de 10 millions de degrés, bien supérieure à celles qui avaient été atteintes jusqu'alors, mais très loin encore des conditions « d'allumage » qu'ITER a pour objectif d'atteindre.
 
TFR jouera un rôle essentiel dans l'établissement des principes physiques qui permettront de concevoir le JET et les autres « géants » des années 1980, l'Américain TFTR, le Japonais JT60 et le soviétique T-15.
De Closets écrivait ces lignes au mois de mai 1973. Quelques mois plus tard TFR produirait son premier plasma et pendant ses trois premières années d'exploitation règnerait sans partage sur la fusion mondiale. D'emblée, le « Tokamak façon Rebut » obtiendrait une spectaculaire augmentation du « temps de confinement de l'énergie », un des trois paramètres, avec la température et la densité du plasma, qui conditionnent la réaction de fusion.
 
Le temps de confinement de l'énergie était de l'ordre de la milliseconde sur la meilleure des machines soviétiques (le tokamak T3), TFR allait le porter à quelques dizaines de millisecondes — un saut considérable, mais bien insuffisant encore pour permettre aux noyaux de fusionner.
 
Le règne de TFR sera bref. A partir de 1976, le tokamak français sera détrôné par des machines plus puissantes, notamment le Princeton Large Torus (PLT) américain et le T-10 soviétique. Mais la puissance n'est pas tout. TFR jouera un rôle essentiel dans l'établissement des principes physiques qui permettront de concevoir le JET et les autres « géants » des années 1980, l'Américain TFTR, le Japonais JT60 et le soviétique T-15.
 
La route « qui aboutirait aux énormes centrales à fusion de plusieurs centaines de mégawatt, puisant dans la mer l'inépuisable combustible du futur » promet d'être longue concluait l'article de Sciences et Avenir en 1973.
 
Quarante ans plus tard, son terme n'est pas atteint mais il se dessine enfin.