Monde de la fusion

Optimiser le divertor d'ITER grâce aux données de WEST

En 2013, un tokamak vieux d'un quart de siècle a décidé de se réinventer et, rebaptisé sous un nouveau nom, de se tourner vers de nouveaux horizons et objectifs. Implanté dans le centre de recherche du CEA-Cadarache, à un kilomètre d'ITER, le dispositif Tore Supra du CEA/Euratom est le premier tokamak ayant mis en œuvre des aimants supraconducteurs et des éléments face au plasma à refroidissement actif. Avec un tir de 6,5 minutes réalisé en décembre 2003, la machine a détenu le record de la plus longue décharge de plasma pendant près de deux décennies. Les enseignements tirés de la construction et de l'exploitation de Tore Supra ont largement contribué à la définition d'ITER. La réalisation que la réinvention de Tore Supra pourrait permettre d'aller encore plus loin, tel est le constat qui a donné naissance au programme WEST. Sous sa nouvelle identité, la machine est devenu un banc d'essai pour son imposant voisin en cours de construction. La semaine dernière, WEST a revêtu un habit de lumière pour célébrer la fin d'une « intense campagne expérimentale » de 14 semaines réalisée avec un divertor en tungstène en tout point identique à celui d'ITER.
« Les données recueillies pendant la première partie de la campagne de phase II de WEST contribueront à optimiser la durée de vie du divertor en tungstène d'ITER et des futures centrales industrielles », explique Jérôme Bucalossi, le directeur de l'IRFM.
Le divertor est un élément essentiel du tokamak, qui contrôle l'extraction des effluents gazeux et des impuretés du plasma. Pendant l'exploitation, la charge thermique supportée par les éléments face au plasma du divertor peut atteindre 10 à 20 MW par mètre carré, soit l'équivalent de celle endurée par une navette ou une capsule spatiale lors de sa rentrée dans l'atmosphère terrestre. La fabrication d'un divertor est en soit un défi industriel majeur. Dans le cas de WEST, le divertor se compose de 456 éléments activement refroidis qui ne sont pas tous identiques, certains étant instrumentés et d'autres non. Ces éléments, qui combinent du tungstène et du cuivre, deux métaux particulièrement difficiles à souder entre eux, doivent être positionnés avec une tolérance de 0,3 millimètre.

En septembre 2020, les partenaires chinois de WEST au sein de l'accord-cadre de coopération SIFFER ont livré le dernier lot de composants de la première paroi qui, une fois assemblés en secteurs de 30 degrés, formeront le divertor WEST. En décembre 2022, WEST disposait d'un divertor identique à celui d'ITER pleinement opérationnel et lançait sa campagne de « phase II » visant à produire une succession de décharges à haute fluence d'une durée minimum de 100 secondes. La durée combinée des centaines de plasmas générés pendant la campagne expérimentale de 14 semaines dépasse celle de l'ensemble des plasmas produits depuis la mise en service du dispositif, en 2016. Une trentaine de spécialistes de la fusion venus de neuf pays (Europe, États-Unis et Corée) ont participé à la campagne, confirmant la dimension internationale de WEST.

WEST a revêtu un habit de lumière pour célébrer la fin d'une « intense campagne expérimentale » de 14 semaines réalisée avec un divertor en tungstène en tout point identique à celui d'ITER.
De nombreux enseignements ont été tirés de l'expérimentation de phase II. La fabrication en série des 456 éléments du divertor était une première industrielle¹. La période d'assemblage de cinq mois, dans le respect de tolérances très strictes, a permis d'accumuler une expérience pratique qui sera précieuse pour l'assemblage du divertor d'ITER. Cependant, la phase II avait avant tout une visée scientifique : dans un environnement aussi éprouvant que celui d'ITER, comment se comporterait un divertor identique à celui d'ITER ? Les données recueillies sont toujours en cours d'analyse mais le divertor a clairement fait la preuve de sa résistance et de son efficacité.

Après la phase d'arrêt actuelle, une nouvelle campagne expérimentale débutera à l'automne, en étroite collaboration avec ITER Organization et l'agence domestique européenne Fusion for Energy. Une petite partie (4%) des éléments du divertor WEST fournis par la Chine seront remplacés par des équivalents européens² et exposés aux mêmes décharges de longue durée que celles de la phase II.

WEST a revêtu un habit de lumière pour célébrer la fin d'une « intense campagne expérimentale » de 14 semaines réalisée avec un divertor en tungstène en tout point identique à celui d'ITER.
« La première partie de la campagne de phase II est maintenant terminée et la deuxième est prévue à l'automne. Nous accumulerons ainsi un volume de données considérable pour modéliser et optimiser la durée de vie du divertor d'ITER et des futures centrales industrielles », explique Jérôme Bucalossi, le responsable de l'IRFM (Institut de recherche sur la fusion par confinement magnétique), l'institut du CEA qui exploite WEST.


¹Le divertor du tokamak chinois EAST utilise une technologie différente. Les éléments du divertor du réacteur coréen KSTAR ont été fabriqués d'après ceux de WEST et l'équipe du tokamak japonais JT60-SA n'a pas encore lancé la fabrication des éléments revêtus de tungstène destinés à son divertor de remplacement.

²La Russie, le Japon et l'Europe sont chargés de fournir les cibles face au plasma du divertor d'ITER. Les cibles venues du Japon ont été testées lors de la phase I de WEST, mais avec un divertor partiellement refroidi.