Rayonnement du soleil

Un long cheminement vers la découverte

Il y a un peu plus d'un siècle, en 1919, une question lancinante reçut un début de réponse. Deux éminents chercheurs, Jean Perrin (1870-1942) en France et Arthur Eddington (1882-1944) au Royaume-Uni, formulèrent quasiment en même temps l'hypothèse que la source d'énergie au cœur du soleil provenait de réactions subatomiques. Leur intuition était en rupture totale avec les théories qui avaient prévalu au cours des sept décennies précédentes.
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L'hypothèse de Jean Perrin selon laquelle la source d'énergie au cœur du Soleil devait être recherchée dans des réactions subatomiques était en rupture totale avec les théories qui avaient prévalu au cours des sept décennies précédentes.
Forts des connaissances scientifiques du milieu du XIXe siècle, physiciens et astronomes pensaient que la « chaleur solaire » provenait de la chute ininterrompue de météores et d'astéroïdes sur le Soleil. En 1841, les calculs de Julius von Mayer (1814-1878), un médecin, chimiste et physicien allemand, indiquaient que des astéroïdes entrant en collision avec le Soleil à grande vitesse pouvaient produire « de 4 600 à 9 200 fois la chaleur produite par la combustion d'une masse équivalente de charbon ». Ce modèle avait toutefois une faille : pour que le Soleil continue de briller, une énorme quantité d'astéroïdes était requise, et personne ne pouvait expliquer d'où ils pouvaient provenir.

La théorie de la « contraction gravitationnelle », proposée pour la première fois par Hermann von Helmholtz (1821-1894), était nettement plus satisfaisante pour un esprit scientifique. Selon ce physicien et médecin allemand, c'était la pression engendrée par les forces gravitationnelles exercées par la masse prodigieuse du Soleil qui était responsable de la chaleur produite. Développé et approfondi par William Thomson (1824-1907), plus connu sous le nom de Lord Kelvin, le modèle Helmholtz-Thomson allait tenir pendant plus de quarante ans. Non sans être contesté toutefois...

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Qui fut le premier ? Qui fut le second ? Comme souvent en matière de découvertes, Arthur Eddington est arrivé à la même conclusion à peu près en même temps que Jean Perrin. L'énergie du Soleil et des étoiles, pensait-il, ne pouvait « guère être autre que l'énergie subatomique qui, nous le savons, est présente en abondance dans toute matière ».
Alors que la nature de la source d'énergie du Soleil préoccupait une grande partie de la communauté scientifique, d'autres s'interrogeaient sur l'âge de la Terre. Dans le sillage de Darwin, les biologistes avaient besoin d'une Terre très ancienne pour rendre compte du processus long et patient de l'évolution, tout comme les géologues qui, de leur côté, cherchaient à comprendre l'empilement des strates rocheuses et des sédiments qu'ils avaient commencé à explorer. Nécessairement plus jeune que le Soleil, la Terre devait être âgée d'au moins 200 millions d'années, alors que le modèle Helmholtz-Thomson ne prévoyait qu'un Soleil vieux de 20 à 50 millions d'années. Il fallait donc faire un choix.

Le modèle de « contraction gravitationnelle » déterminait non seulement l'âge du Soleil, mais lui attribuait également une espérance de vie allant jusqu'à quelques dizaines de millions d'années supplémentaires. À moins que, comme l'écrivait Thomson en 1891, « des sources qui nous sont encore inconnues ne soient en préparation dans le grand atelier de la création ».

Et il se trouva qu'à ce moment, le « grand atelier de la création » laissa entrevoir quelque chose d'assez extraordinaire.

En 1896, le physicien français Henri Becquerel (1852-1908) découvrit la radioactivité, mais il fallut attendre plusieurs années pour que ce phénomène suscite un réel intérêt parmi les physiciens et les chimistes. Au début du siècle, des mesures montrèrent que la désintégration radioactive du radium, exprimée en calories, produisait 200 000 fois plus de chaleur que la combustion du charbon.

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Pendant plus de quarante ans (1880 à 1920), le modèle de « contraction gravitationnelle » proposé par Hermann von Helmholtz et William Thomson, mieux connu sous le patronyme de Lord Kelvin (à gauche), a dominé l'astrophysique.
Était-il concevable que le Soleil fût constitué, au moins en partie, de radium ? C'est ce que pensait le physicien Néo-Zélandais Ernest Rutherford (1871-1937), qui avait calculé qu'il suffisait de 2,5 ppm (0,00025 %) de radium dans le Soleil pour produire l'émission d'énergie observée. Cependant, cette hypothèse contenait elle aussi une faille : la « signature » du radium n'apparaissait nulle part dans le spectre solaire.

Ce qui apparaissait était un élément encore inconnu, détecté en 1868 lors d'une éclipse solaire, et confirmé par la suite : l'« hélium », en référence à Hélios, le dieu grec du Soleil. Dans la mesure où les neutrons n'avaient pas encore été identifiés (ils le seront en 1932), les scientifiques considéraient l'atome comme un agencement de petits noyaux massifs chargés positivement, entourés d'un nuage d'électrons nettement plus étendu et chargés négativement. Le noyau massif était le même pour tous les éléments, seul différait son agencement. Ainsi, un atome d'hydrogène était constitué d'un noyau « élémentaire » unique, tandis qu'un atome d'hélium comportait un assemblage de quatre noyaux, ce qui conférait au noyau d'hélium un poids quatre fois plus élevé que celui du noyau d'hydrogène.

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Bien que les comètes et les astéroïdes puissent parfois plonger dans le Soleil (ici, la comète Lovejoy traversant la couronne solaire en 2011), ils ne jouent aucun rôle dans son alimentation en énergie, contrairement à la conviction du monde scientifique pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle.
Au début du XXe siècle, le développement de la spectrographie de masse fournit à la science un moyen de « peser » les atomes avec une extrême précision. En comparant la masse d'un noyau d'hélium avec celle des quatre noyaux élémentaires qui le composent, les physiciens notèrent une légère différence : l'atome d'hélium était plus léger que quatre atomes d'hydrogène. En d'autres termes, le tout ne rendait pas compte de la somme des parties. Où était passée la masse manquante ? Albert Einstein (1879-1955) allait apporter la réponse avec sa célèbre équation E = mc² — une infime fraction de la masse s'était transformée en une considérable quantité d'énergie.

Le mathématicien français Paul Langevin (1872-1946) prit la mesure de la formidable source d'énergie qui résultait de ces « transmutations ». Mais c'est Jean Perrin, professeur de chimie physique à Paris, qui le premier, affirma en 1919 que la source d'énergie du Soleil et des étoiles résultait de la fusion de l'hydrogène en hélium, expliquant ainsi comment le Soleil avait pu briller, et brillerait encore, pendant des milliards d'années.

Comme fréquemment en matière de découvertes, un autre chercheur parvint à la même conclusion à peu près au même moment. En 1920, lors d'une conférence dans le cadre de la réunion annuelle de la British Association for the Advancement of Science à Cardiff, Arthur Eddington expliqua que « le vaste réservoir d'énergie » dans lequel puisaient le Soleil et les étoiles ne pouvait « guère être différent de l'énergie subatomique qui, nous le savons, existe en abondance dans toute matière ; nous rêvons parfois, ajoutait-il, que l'homme saura un jour libérer et utiliser cette énergie à son service. Ce réservoir est pour ainsi dire inépuisable, mais il faut trouver les moyens de l'exploiter ».

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Sous-secrétaire à la Recherche scientifique en 1936, Jean Perrin lança la construction de l'Observatoire de Haute-Provence. C'est ici, à 20 kilomètres d'ITER à vol d'oiseau, que fut découverte la première exoplanète en 1995.
Un siècle plus tard¹, l'humanité est sur le point d'exploiter cette « réserve pour ainsi dire inépuisable ».

Cette longue histoire a connu un épilogue en forme de clin d'œil posthume. Dans les années 1920 et 1930, Jean Perrin avait déploré l'absence de centre de recherche astronomique moderne en France, capable de contribuer aux spectaculaires avancées que connaissait alors ce domaine de recherche. En 1936, devenu Sous-secrétaire d'État français à la Recherche scientifique, l'une de ses premières décisions fut de lancer la construction de l'Observatoire de Haute-Provence. Ce dernier restera pendant cinquante ans l'un des plus importants d'Europe. À vol d'oiseau, il n'est situé qu'à 20 kilomètres d'ITER.

(1) Ce n'est qu'en 1939 que Hans Bethe (1906-2005) a décrit en détail le processus long et complexe de la fusion permettant aux étoiles de type solaire de générer de l'énergie — la chaîne « proton-proton ».