Un long cheminement vers la découverte
La théorie de la « contraction gravitationnelle », proposée pour la première fois par Hermann von Helmholtz (1821-1894), était nettement plus satisfaisante pour un esprit scientifique. Selon ce physicien et médecin allemand, c'était la pression engendrée par les forces gravitationnelles exercées par la masse prodigieuse du Soleil qui était responsable de la chaleur produite. Développé et approfondi par William Thomson (1824-1907), plus connu sous le nom de Lord Kelvin, le modèle Helmholtz-Thomson allait tenir pendant plus de quarante ans. Non sans être contesté toutefois...
Le modèle de « contraction gravitationnelle » déterminait non seulement l'âge du Soleil, mais lui attribuait également une espérance de vie allant jusqu'à quelques dizaines de millions d'années supplémentaires. À moins que, comme l'écrivait Thomson en 1891, « des sources qui nous sont encore inconnues ne soient en préparation dans le grand atelier de la création ».
Et il se trouva qu'à ce moment, le « grand atelier de la création » laissa entrevoir quelque chose d'assez extraordinaire.
En 1896, le physicien français Henri Becquerel (1852-1908) découvrit la radioactivité, mais il fallut attendre plusieurs années pour que ce phénomène suscite un réel intérêt parmi les physiciens et les chimistes. Au début du siècle, des mesures montrèrent que la désintégration radioactive du radium, exprimée en calories, produisait 200 000 fois plus de chaleur que la combustion du charbon.
Ce qui apparaissait était un élément encore inconnu, détecté en 1868 lors d'une éclipse solaire, et confirmé par la suite : l'« hélium », en référence à Hélios, le dieu grec du Soleil. Dans la mesure où les neutrons n'avaient pas encore été identifiés (ils le seront en 1932), les scientifiques considéraient l'atome comme un agencement de petits noyaux massifs chargés positivement, entourés d'un nuage d'électrons nettement plus étendu et chargés négativement. Le noyau massif était le même pour tous les éléments, seul différait son agencement. Ainsi, un atome d'hydrogène était constitué d'un noyau « élémentaire » unique, tandis qu'un atome d'hélium comportait un assemblage de quatre noyaux, ce qui conférait au noyau d'hélium un poids quatre fois plus élevé que celui du noyau d'hydrogène.
Le mathématicien français Paul Langevin (1872-1946) prit la mesure de la formidable source d'énergie qui résultait de ces « transmutations ». Mais c'est Jean Perrin, professeur de chimie physique à Paris, qui le premier, affirma en 1919 que la source d'énergie du Soleil et des étoiles résultait de la fusion de l'hydrogène en hélium, expliquant ainsi comment le Soleil avait pu briller, et brillerait encore, pendant des milliards d'années.
Comme fréquemment en matière de découvertes, un autre chercheur parvint à la même conclusion à peu près au même moment. En 1920, lors d'une conférence dans le cadre de la réunion annuelle de la British Association for the Advancement of Science à Cardiff, Arthur Eddington expliqua que « le vaste réservoir d'énergie » dans lequel puisaient le Soleil et les étoiles ne pouvait « guère être différent de l'énergie subatomique qui, nous le savons, existe en abondance dans toute matière ; nous rêvons parfois, ajoutait-il, que l'homme saura un jour libérer et utiliser cette énergie à son service. Ce réservoir est pour ainsi dire inépuisable, mais il faut trouver les moyens de l'exploiter ».
Cette longue histoire a connu un épilogue en forme de clin d'œil posthume. Dans les années 1920 et 1930, Jean Perrin avait déploré l'absence de centre de recherche astronomique moderne en France, capable de contribuer aux spectaculaires avancées que connaissait alors ce domaine de recherche. En 1936, devenu Sous-secrétaire d'État français à la Recherche scientifique, l'une de ses premières décisions fut de lancer la construction de l'Observatoire de Haute-Provence. Ce dernier restera pendant cinquante ans l'un des plus importants d'Europe. À vol d'oiseau, il n'est situé qu'à 20 kilomètres d'ITER.
(1) Ce n'est qu'en 1939 que Hans Bethe (1906-2005) a décrit en détail le processus long et complexe de la fusion permettant aux étoiles de type solaire de générer de l'énergie — la chaîne « proton-proton ».