Fusion et climat : la conversation se poursuit
Conformément au règlement de la COP, chaque partie dispose de trois minutes pour exposer son point de vue. Pendant deux jours, une longue file de chefs d'État et de gouvernement, notamment le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz, la Première ministre italienne Giorgia Meloni et la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris, se sont succédé sur la scène. Mais c'est le Premier ministre croate Andrej Plenković qui, pour la toute première fois dans une conférence COP, a mentionné le potentiel de l'énergie de fusion dans une déclaration officielle. « Le programme IFMIF-DONES, une initiative conjointe de la Croatie et de l'Espagne, explore les moyens de domestiquer d'ici quelques décennies la fusion, une énergie nucléaire propre comparable à celle qui alimente le soleil. »
L'effervescence autour de l'énergie de fusion, une technologie révolutionnaire qui pourrait contribuer à atténuer les effets du changement climatique, s'est maintenue tout au long de la conférence. Le 5 décembre, John Kerry, l'envoyé spécial du président des États-Unis pour le climat, a dévoilé un plan d'engagement international en faveur de l'énergie de fusion, donnant un nouvel élan à cette perspective. « La fusion est capable de révolutionner notre monde, a affirmé John Kerry, ajoutant que la fusion peut devenir une composante centrale de notre avenir énergétique, aux côtés des énergies éolienne, solaire et géothermique et de la fission nucléaire. »
Présentant cette stratégie sous la forme d'un appel à l'action, il a énuméré cinq domaines clés qui contribueront à la réalisation des promesses de la technologie de fusion : la R&D, la chaîne logistique et le marché, la réglementation, les ressources humaines et, enfin, la formation et l'engagement. Sur un ton rassembleur et déterminé, il a affirmé que « nous pouvons domestiquer l'extraordinaire puissance de l'atome afin de construire un avenir énergétique propre. »
Dès les premiers jours de la COP28, qui s'est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2023, il est devenu évident que l'énergie de fusion s'impose de plus en plus clairement comme une option à long terme viable pour un futur énergétique propre et une solution à la crise du changement climatique. Le 1er décembre, une table ronde a donné le coup d'envoi des nombreuses manifestations de la COP28 consacrées aux perspectives d'avenir de l'énergie de fusion. Rafael Mariano Grossi, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Christofer Mowry, PDG de Type One Energy et président du conseil de la Fusion Industry Association, et Laban Coblentz, directeur de la communication d'ITER, se sont accordés sur la nécessité d'une collaboration mondiale associant le secteur privé et des initiatives publiques.
M. Grossi a rappelé au public l'initiative annoncée en octobre, lors de la conférence sur l'énergie de fusion de l'AIEA, en vue de renforcer la collaboration autour de l'énergie de fusion : le World Fusion Energy Group. « Nous rassemblerons toutes les parties prenantes à l'AIEA. Le World Fusion Energy Group sera la grande tente sous laquelle nous nous réunirons pour partager nos expériences respectives. »
Aux côtés de plusieurs soutiens et collaborateurs tels que Simon Woodruff de Fusion Energy Insights, ITER disposait d'un stand au sein de l'un des quatre pôles thématiques sur l'énergie de la conférence. La diversité des visiteurs du pavillon ITER : scientifiques, décideurs politiques, activistes du climat, étudiants et journalistes, a donné lieu à des discussions fort intéressantes.
Face au pavillon ITER, l'organisation non-gouvernementale (ONG) Clean Air Task Force a proposé le 9 décembre une table ronde consacrée au potentiel de l'énergie de fusion en tant que source d'électricité et d'énergie « zéro émissions » transformative, capable de jouer un rôle moteur dans la décarbonation, la sécurité énergétique et l'accès à l'énergie aux quatre coins du globe. Phil Larochelle, de Breakthrough Energy Ventures, a expliqué comment utiliser la communication pour impliquer les collectivités dans le développement de l'énergie de fusion. « Nous devons améliorer le narratif autour de la fusion, a-t-il affirmé, avant d'ajouter : Les gens ont besoin de comprendre qu'il s'agit de la source d'énergie originelle dont sont issues la plupart des autres énergies. Nous devons aussi mettre en avant les extraordinaires progrès de la fusion ces dernières années. »
Ralf Kaiser, de l'Abdus Salam International Centre for Theoretical Physics (ICTP), a plaidé pour que les pays du Sud global participent dès maintenant au développement de l'énergie de fusion. Selon lui, il faudra construire de nombreuses centrales électriques dans le monde en développement, c'est pourquoi ces pays doivent avoir voix au chapitre et être impliqués dans la gouvernance de l'énergie de fusion.
Certains thèmes essentiels sont réapparus dans différentes discussions, tout au long de la conférence. Les questions de la réglementation de la fusion, de l'acceptabilité sociale, de la diversité, de l'inclusivité et de la communication, entre autres, ont aussi été abordées au cours de la table ronde organisée par l'ONG Energy for the Common Good sur le pavillon ITER.
Et n'oublions pas que les jeunes générations sont directement concernées par la problématique globale du changement climatique. Comme l'a exprimé un lycéen turc qui visitait le stand ITER, « Notre avenir est en jeu, nous avons donc un grand rôle à jouer dans la réponse au changement climatique. »
Après ce sommet sur le climat, le niveau des attentes relatives à l'énergie de fusion est remonté de plusieurs crans. Le monde aura les yeux rivés sur la communauté de la fusion lorsqu'elle commencera à mettre en pratique les nombreuses idées proposées et débattues au cours de la COP28.
Prochain épisode : la COP29 qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan...
Découvrez quelques ambiances de la COP28 dans cette courte vidéo.