Plasmas : la matière dans un drôle d'état
Un plasma est un gaz dont les atomes, sous l'effet de la température, ont été dissociés. Alors que dans les trois autres états de la matière (solide, liquide et gazeux) le noyau et les électrons des atomes sont étroitement liés, ils cessent de l'être dans un plasma. Changeant de nature, le gaz «ionisé » (autre appellation du plasma) change radicalement de propriétés.
Lorsque l'idée naquit de reproduire les réactions physiques qui se surviennent au cœur du Soleil et des étoiles pour en exploiter la prodigieuse énergie, deux propriétés des plasmas se révélèrent d'une importance capitale : la conductivité électrique et la sensibilité aux champs magnétiques. Alors qu'un gaz est un isolant, un plasma est au contraire un bon conducteur de l'électricité que l'on peut confiner et « modeler » par un champ magnétique
Dans la communauté scientifique, beaucoup pensaient alors que la maîtrise de l'énergie de fusion serait réalisée à brève échéance. Ce que les chercheurs n'imaginaient pas c'est à quel point les plasmas allaient se révéler difficiles à dompter — instables et capricieux, imprévisibles, déroutants, ils se vidaient presque instantanément de leur énergie, échappant aux champs magnétiques dans lesquels on tentait de les confiner.
On mesura alors à quel point cet étrange état de la matière était mal connu. Et l'on entreprit de l'explorer, d'en comprendre les dynamiques et de tenter d'en organiser le chaos. La physique des plasmas était née ; son étude occuperait trois générations de physiciens.
Parallèlement aux recherches fondamentales, les chercheurs des grandes nations développées, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Union soviétique, Allemagne, Japon, mettaient au point des « machines de fusion » (machines ouvertes à miroir, theta-pinch, machines toroïdales fermées...) dont les performances, au final, se révélaient toujours décevantes. L'enjeu toutefois était trop immense pour laisser le découragement l'emporter.
La descendance de T-3, incarnée dans des centaines de machines de plus en plus puissantes et de plus en plus performantes, allait tenir sa promesse : les tokamaks produisent aujourd'hui des plasmas de plusieurs centaines de millions de degrés et, dans ITER, le plus grand tokamak jamais construit, le temps de confinement de l'énergie sera de l'ordre de plusieurs secondes — suffisant pour que les réactions de fusion s'amorcent et libèrent leur formidable énergie.
Le plasma lui, garde toujours une part de ses mystères. Mais les physiciens ont appris à composer avec lui. Dans les tokamaks contemporains, le plasma a été « discipliné » par des systèmes magnétiques sophistiqués et l'on sait désormais anticiper, canaliser et atténuer ses brutales sautes d'humeur.
Plus de soixante ans se sont écoulés depuis la géniale intuition de Spitzer. Avec ITER, pour la première fois, l'humanité va s'approprier le feu des étoiles.