ITER, et après ?

31 mai, 2014
Dans le monde de la fusion, les programmes de recherche ne se succèdent pas, ils se chevauchent. On réfléchissait déjà à ce que pourrait être ITER (sous le nom d'INTOR) lorsque le JET européen était en chantier au début des années 1980 ; on s'attelle aujourd'hui à la conception de DEMO, alors qu'ITER commence tout juste à sortir de terre.
fusion plant
Avec DEMO, la recherche sur l'énergie de fusion va s'approcher au plus près d'un prototype de réacteur. Après ITER, machine expérimentale qui aura démontré la faisabilité de l'énergie de fusion, DEMO ouvrira la voie à son exploitation industrielle et commerciale.

Dans le monde de la fusion, les programmes de recherche ne se succèdent pas, ils se chevauchent. On réfléchissait déjà à ce que pourrait être ITER (sous le nom d'INTOR) lorsque le JET européen était en chantier au début des années 1980 ; on s'attelle aujourd'hui à la conception de DEMO, alors qu'ITER commence tout juste à sortir de terre.

Avec DEMO, la recherche sur l'énergie de fusion va s'approcher au plus près d'un prototype de réacteur. Après ITER, machine expérimentale qui aura démontré la faisabilité de l'énergie de fusion, DEMO ouvrira la voie à son exploitation industrielle et commerciale.

DEMO sera peut-être, à l'image d'ITER, le fruit d'une collaboration internationale. Ou peut-être pas. Pour l'heure, chacun des membres d'ITER (Chine, Union européenne, Inde, Japon, Corée, Russie et dans une moindre mesure Etats-Unis) a d'ores et déjà défini les grandes lignes de ce que pourrait être son propre DEMO.

Cette démarche procède de l'essence même d'ITER, programme scientifique et technologique autant que « pédagogique » : pour chacun des pays membres, participer à ITER c'est acquérir l'expérience qui doit permettre d'aborder, seul, l'étape suivante. DEMO ne se conçoit pas sans ITER ; ITER est en quelque sorte « l'école » où l'on apprend à construire DEMO.

Au mois de décembre dernier, à Monaco, lors du colloque consacré à ITER et à la fusion (Monaco ITER International Fusion Energy Days, MIIFED), chacun des membres d'ITER a présenté son projet pour DEMO. Si les calendriers, les spécifications techniques, la détermination varient d'un pays à l'autre, l'objectif est commun : il s'agit de construire la machine qui démontrera que la fusion peut, à l'horizon 2050, produire de l'électricité à l'échelle industrielle.

A Monaco, le Japon, la Corée, l'Inde, l'Europe et la Russie ont affiché leur calendrier : lancement de la construction d'un DEMO dans les années 2030 ; début de l'exploitation à l'orée de la décennie suivante.

La Chine, après avoir exploré les problèmes de physique et d'ingénierie du futur DEMO dans un réacteur test mis en chantier en 2020 (CFETR, China Fusion Engineering Test Reactor) serait également prête à lancer DEMO dans les années 2030.

Démonstrateur pré-industriel, quasi-prototype... dans la conception des différents DEMO, rien n'est encore figé — c'est le retour d'expérience d'ITER qui dessinera les différents visages de la prochaine machine.
Les Etats-Unis sont un cas particulier : pour des raisons qui tiennent à l'organisation de la recherche dans ce pays, le gouvernement (Département de l'Energie) n'est pas officiellement engagé dans un projet DEMO. Les physiciens du programme de fusion considèrent, eux, qu'ils ont besoin de deux machines « intermédiaires » — une installation à vocation technologique, une autre dont l'objectif serait plus scientifique — avant d'aborder un programme DEMO tels que les autres partenaires d'ITER l'entendent.

A quoi ressembleront ces différents DEMO ? De manière générale, ils seront plus imposants qu'ITER. Le « grand rayon » de l'anneau de plasma (« R »), qui détermine la taille de la machine, varie, selon les projets, entre 6 et 10 mètres — à comparer aux 6,20 mètres d'ITER et aux 3 mètres de JET, le plus gros des tokamaks en activité.

Leur puissance ? De 500 MWe pour le DEMO européen à 1 500 MWe pour le projet japonais — soit, pour ce dernier, quasiment l'équivalent d'un réacteur nucléaire de dernière génération (EPR) du type Flamanville ou Olkiluoto (Finlande).

Leur vocation ? Pour certains, DEMO sera un « démonstrateur pré-industriel » ; pour d'autres, un quasi-prototype ne nécessitant pas d'étape supplémentaire avant le passage à l'échelle industrielle.

Dans ce paysage, un projet se distingue de tous les autres — c'est le DEMO (ou plutôt le pré-DEMO) russe, une machine « hybride » conjuguant dans une même installation le principe de la fusion et celui de la fission.

Un peu de physique pour comprendre : la réaction de fusion telle qu'elle sera mise en œuvre dans ITER et les machines qui lui succéderont produit un neutron porteur d'une très grande énergie. C'est l'impact de ce neutron sur les parois internes de la machine qui génère la chaleur à l'origine de la production d'électricité.

Certains physiciens considèrent que ce neutron mériterait d'être mieux utilisé. Ils envisagent de mettre son énergie à contribution pour produire, par interaction avec des éléments lourds tels que le thorium ou l'uranium appauvri, du combustible nucléaire destiné aux réacteurs conventionnels, et pour « brûler » les déchets radioactifs de ces mêmes réacteurs.

C'est cette piste que les Russes explorent aujourd'hui. Telle qu'ils l'ont présentée à Monaco, leur machine sera un réacteur hybride, baptisé DEMO-FNS (pour Fusion Neutron Source) au cœur duquel un petit tokamak (R=1,9m) générera les neutrons nécessaires à la production de combustible nucléaire et à la transmutation des déchets radioactifs.

Dans la conception de ces différentes machines, rien, toutefois, n'est encore figé — c'est le retour d'expérience d'ITER qui dessinera les différents visages de DEMO.