Chaud devant !
Dans les profondeurs du Soleil, où les réactions de fusion prennent naissance, la température atteint 15 millions de degrés centigrades. Au cœur du plasma d'ITER, elle sera de l'ordre de 150 à 300 millions de degrés.
Comment imaginer un tel environnement ? Et dans quelle enceinte contenir un milieu dix, voire vingt fois plus « chaud » que le cœur du Soleil ?
Pour répondre à ces questions, il faut d'abord comprendre ce qu'est la température. Aux yeux du physicien, la température ne mesure pas seulement le « chaud » et le « froid » — elle rend compte de l'énergie des particules (noyaux, atomes, molécules) qui constituent un objet ou un environnement. Et c'est la vitesse à laquelle ces particules se déplacent qui détermine l'énergie dont elles sont animées.
Ainsi de l'eau : à l'état solide (glace) les molécules sont peu mobiles, la température est basse ; quand celle-ci s'élève, l'agitation des molécules augmente, l'eau devient liquide. Que la température augmente encore et les molécules seront animées de vitesses de plus en plus rapides — l'eau passera de l'état liquide à l'état gazeux sous forme de vapeur d'eau.
Ce paradoxe s'explique par la très faible densité du gaz contenu dans le tube fluorescent. Pour transmettre de la chaleur d'un milieu vers un autre, il faut de la densité et plus celle-ci est élevée, plus grande sera la quantité de chaleur transférée. Une barre de fer exposée au grand soleil pourra être brûlante au toucher ; dans les mêmes conditions, un bout de bois, beaucoup moins dense, ne le sera jamais.
Pour une raison contraire à ce que le bon sens suggère, rien, aucun objet physique ne peut « contenir » un tel milieu, porté à une telle température. Si le plasma à 150 millions de degrés (mais très ténu) entrait en contact avec une quelconque partie de la machine, cette partie serait certes superficiellement endommagée. Mais il y aurait plus grave, et plus lourd de conséquences : le plasma, en dépit de sa température infernale, se refroidirait quasi instantanément, interdisant toute possibilité de fusion.
A cet obstacle fondamental, les « bouteilles magnétiques », dont les tokamaks sont les héritiers, ont fourni dès les années 1950 un début de solution. Dans ce dispositif, sans cesse amélioré depuis, le plasma est confiné par des champs magnétiques très intenses, générés par de puissants électro-aimants. On l'empêche ainsi de se dilater sous l'effet de sa pression interne et d'entrer en contact physique avec les parois internes de la machine.
Au cœur de la machine ITER, physiciens et ingénieurs s'apprêtent à reproduire la réaction physique qui, en alimentant le feu du Soleil, entretient depuis des milliards d'années la vie sur notre planète. Dans cette même réaction, l'humanité trouvera la ressource énergétique, inépuisable, propre et sûre, qui soutiendra son développement dans les siècles à venir.
Voir la vidéo d'un plasma dans les tokamaks JET (Europe), MAST (Royaume-Uni), JT-60 (Japon) et Tore Supra (CEA-Euratom)