L'astucieux petit manchon
L'acier et le béton se sont rencontrés dans les dernières années du XIXième siècle et ne se sont plus quittés depuis. De leur union est né le « béton armé » qui permet de construire toujours plus solide, toujours plus grand, toujours plus haut.
Sans recours massif au béton armé, qui garantit à la fois la résistance des bâtiments et la robustesse des barrières de confinement, la construction d'une installation nucléaire ne saurait être envisagée. Et c'est naturellement dans le monde du nucléaire que la densité des armatures atteint les valeurs les plus élevées—le seul Complexe tokamak, qui occupe le cœur de l'installation ITER, mobilisera au total 30 000 tonnes de barres d'acier (plus de quatre fois le poids de la Tour Eiffel) pour 100 000 mètres cubes de béton.
Les barres étant souvent très épaisses (15 à 20% du ferraillage du Complexe tokamak est constitué de barres de 40 millimètres de diamètre) et leur maillage très serré, un problème aigu se pose : celui de l'encombrement.
Pour conserver leur résistance, les barres ne peuvent être soudées bout à bout—les calculs exigent un « recouvrement » qui peut représenter jusqu'au cinquième de leur longueur (de l'ordre de 2 à 2,5 mètres pour une barre 40 mm de diamètre et 12 mètres de longueur). Outre l'espace qu'ils occupent, ces recouvrements génèrent une surconsommation d'acier qui se répercute sur le coût de l'ouvrage.
Confrontés à ce casse-tête les « armaturiers » ont mis au point, il y a une trentaine d'années, une solution astucieuse : le « coupleur », un manchon fileté qui se visse aux deux extrémités des barres à relier et n'altère en rien leur résistance. Perfectionné dans les années 2000 par une PME de Saint-Chamas (13), la SAMT, cette petite pièce d'acier forgé, adaptée au calibre des barres, s'est imposée comme l'élément indispensable de tout ferraillage d'envergure—à ITER, le Complexe tokamak en consommera près de 250 000.
Cette petite pièce pourrait paraître insignifiante au regard de la taille et de la complexité d'une installation comme ITER. En allégeant la masse des aciers dans les structures sans en affaiblir la résistance et en réduisant de manière sensible les coûts liés à la consommation d'acier, elle est au contraire essentielle.